Je souriais. Indéniablement, je souriais. C’était plus fort que moi. J’avais l’impression que j’étais sur le point d’exploser. Jamais je n’avais imaginé que j’aurais le droit de vivre quelque chose d’aussi fort, d’aussi intense. C’était indescriptible. Il y a des moments, dans votre existence, où une porte s’ouvre, et où votre vie dérape dans la lumière. De rares instants ou quelque chose se déverrouille en vous. Vous flottez en apesanteur, vous filez sur une autoroute sans radar. Les choix deviennent limpides, les réponses remplacent les questions, la peur cède place à l’amour.
Il faut avoir connu ces moments. Des moments tellement uniques par leur simplicité et leur fragilité.

J’étais toujours accrochée à lui. Malgré le bonheur qui me terrassait, j’étais toujours inquiète. Et s’il fuyait parce que je lui avais avoué mes sentiments ? On venait tout juste de se retrouver, après tant de temps… Je ne voulais pas le perdre encore une fois. Je ne pouvais pas. C’était au-dessus de mes forces.

J’aurais voulu avoir le pouvoir de figer le temps. De figer le bonheur. Pour l’éternité.

Mais il était toujours là. Il ne bougeait pas. Je guettais le moment où il voudrait fuir. Je ne le laisserais pas faire. Plus maintenant. C’était peut-être égoïste, de vouloir le garder près de moi, mais c’était trop tard, maintenant. Il était devenu comme une drogue pour moi. Et j’étais bien trop accroc pour avoir la force de tout arrêter maintenant.

Je frissonnai quand il posa ses mains sur mes hanches et qu’il me serra un peu plus contre lui. Et une vague de soulagement envahit mon cœur. C’était tout ce que j’attendais. Tout ce que j’avais toujours attendu. Ses baisers sur ma nuque étaient brûlants et me donnaient l’impression d’être en ébullition. Combien de temps encore allais-je pouvoir tenir comme ça ?

Et tout à coup, il me serra contre lui. Je mis un certain temps à comprendre ce qu’il se passait. Je connaissais ça. La vitesse vampirique… Ça me faisait toujours un drôle d’effet. Mes sens s’agitaient dans tous les sens, et mon cerveau n’était sans doute pas assez rapide pour s’adapter à tous les changements qui s’opéraient dans un si court laps de temps. C’était un peu effrayant, d’habitude. D’habitude, je fermais les yeux. J’attendais que ce soit passé. Mais pas cette fois. Cette fois, je n’avais pas peur. Je me sentais en sécurité. J’avais l’impression d’être dans un cocon, et de regarder le monde tourner autour de moi sans vraiment avoir le sentiment d’en faire partie. Cette fois, ce n’était pas bizarre. Non, c’était magique.

Avant que je n’aie le temps de m’en rendre compte, on était arrivés, et il s’était détaché de moi. Je me rattrapai de justesse au mur de la maisonnette qui nous faisait face pour retrouver mon équilibre. Le retour à la réalité n’était pas aussi facile que ce à quoi je m’attendais.


Je souris et m’apprêtai à lui répondre, quand il se retourna vivement vers la porte en hurlant.


Je fronçai les sourcils. Il devait savoir que j’allais réagir s’il s’en prenait à des innocents devant moi. Alors pourquoi est-ce qu’il disait ce genre de choses ? Est-ce qu’il essayait de me faire peur ? Est-ce que c’était un test ?
Il força la porte d’un geste brutal et continua à parler. Comme s’il avait besoin de se justifier. De s’excuser à l’avance pour ce qui allait se passer par la suite. Il semblait… Nerveux. Le ton de sa voix avait changé et ses gestes étaient devenus plus brutaux.

Je m’avançai doucement vers lui et posai une main sur son bras.

- Nik… Regarde-moi.

J’attendis qu’il se retourne vers moi et posai mes mains sur son visage.

- Ecoute… Tout va bien, d’accord ? C’est juste… Toi et moi. C’est juste nous. Il n’y a pas de quoi être nerveux… Tout ira bien. Comme toujours. Je me fiche des toiles d’araignée et des mygales, je me fiche de la décoration et même du confort que cette maison peut m’apporter. Il n’y a que toi qui compte. Que nous. Je suis heureuse d’être là avec toi… Tu n’imagines pas à quel point.

Je plongeai mon regard dans le sien. Je voulais voir les fins fonds de son âme. Je voulais qu’il me fasse assez confiance pour me laisser tout voir. Je voulais qu’il voie dans le reflet de mes yeux l’intensité de mes sentiments pour lui, je voulais qu’il voie tout ça, parce que ce que je voulais lui dire commençait là où les mots s’arrêtaient. Et surtout, surtout, je voulais qu’il voie, à travers le reflet de mes yeux, comment moi je le voyais. Je voulais qu’il comprenne que la lumière qu’il pourrait y voir, ne venait pas de moi… Mais de lui. Je voulais qu’il voie que lui aussi, avait droit à un peu de bonheur.

Je voulais qu’il voie que nous ne faisions qu’un, qu’il était une partie de moi, et que j’étais une partie de lui. C’était une évidence. Une certitude.

Et puis, je baissai lentement mon regard sur ses lèvres, et me dressai sur la pointe des pieds pour venir l’embrasser avec douceur, l’entraînant dans un monde inconnu, un monde où l’histoire était encore à créer, un monde où le bonheur ne demandait qu’à être vécu, encore et toujours, jusqu’à la fin des temps.